Cet ouvrage rend compte des
recherches archéologiques menées de 1976 à
1988 sur le seul site qui, de l'Arabie aux rives de l'Iraq et de
l'Iran, a conservé intactes les traces continues de son
histoire du 3e millénaire av. J.-C. jusqu'à l'aube de
la période contemporaine. Tout en suivant la trame
chronologique de cette histoire, l'ouvrage traite essentiellement
des occupations tardives du site, de l'époque sassanide
(circa 3e-5e siècle) à la fin de la période
portugaise (17e siècle).
La première partie évoque l'ensemble de l'occupation
du site, les recherches ayant conduit les auteurs à ouvrir
des sondages jusqu'au sol vierge en plusieurs endroits. La
séquence stratigraphique observée coïncide en
général avec celle qu'avait établie une
équipe danoise vingt cinq ans plus tôt, apportant en
plusieurs occasions confirmations, nuances ou nouvelles
hypothèses. Deux divergences sérieuses sont apparues.
La première se situe à la fin de l'époque
kassite, fin du 2e mill. av. J.-C. : une culture passée
inaperçue dans les fouilles danoises a été
identifiée grâce à son type d'habitat et
à la céramique qui y était associée.
Coexistant d'abord avec la civilisation kassite, elle semble
ensuite l'évincer : il pourrait s'agir de celle des tribus
nomades arabes appelées " Peuples de la mer ", qui se
répandirent d'abord à Bahrain avant de frapper
l'empire babylonien en 1158 av. J.-C.
L'autre divergence concerne la forteresse côtière,
hypothétiquement datée dans les publications danoises
d'abord du 7e/8e siècle, puis du 10e siècle. Les
fouilles de 1976-1988 ont montré qu'il s'agissait en fait
d'un bâtiment construit et occupé entre le 3e et le 5e
siècles, puis abandonné, ainsi, semble-t-il que
l'ensemble du site, durant les sept siècles suivants. La
description de ce bâtiment et de son fossé, de leur
mise au jour, des céramiques qui en ont permis la datation,
enfin de son contexte historique, constituent la deuxième
partie de l'ouvrage. Cette forteresse, très certainement
construite par les Sassanides (Ardashir Ier ou plus
vraisemblablement Shapur II) marque un tournant dans l'occupation
du site, jusque-là plus civil que militaire. Avec cette
forteresse, puis celles que construisirent les princes d'Ormuz et
les Portugais, le site acquit une vocation militaire qui reste dans
son nom de Qal'at al-Bahrain.
La troisième et dernière partie de l'ouvrage traite
de la restauration et de la réoccupation
médiévales de ce fort. Les céramiques
(islamiques, indiennes et chinoises), comme les monnaies
(arabo-persanes et chinoises), qui accompagnaient cet
épisode de son histoire convergent toutes vers la
deuxième moitié du 13e siècle, datation
étayée par les sources narratives qui attribuent
à l'Atabeg Abu Bakr al-Salghari la prise de Bahrain en 1230.
La transformation de la vieille forteresse sassanide en un
entrepôt fortifié impliqué dans les
échanges avec la Chine est une page particulièrement
éclairante sur le commerce de l'Océan Indien à
cette époque.
Le dernier épisode archéologique de Qal'at al-Bahrain
se situe entre le 14e et le 17e siècles. Trop ancienne, trop
petite, minée par la montée de la mer, la vieille
forteresse sassanide fut remplacée par un autre ouvrage
fortifié, édifié par les agents des princes
d'Ormuz au sud-ouest de la précédente. Très
peu de ce fort a pu être mis au jour, car entre 1522 et 1529,
il a été profondément remanié et
adapté aux combats d'artillerie. En 1561 une dernière
restauration l'a pourvu de quatre bastions gênois, les seuls
connus sur la côte orientale de l'Arabie.