Les biographies de saints ermites sont souvent
négligées car ces textes comportent des longueurs qui
lassent, voire des futilités qui irritent: autant de raisons
qui en écartent le lecteur qui se dit sérieux.
L’école positiviste qui voulut, avec raison souvent,
réagir contre cette littérature trop facilement
apologiste l'écarta parce qu'elle la croyait inutile et
même dangereuse. Les érudits de cette école
–souvent des clercs– qui, malgré tout, s'y
intéressèrent, n'en retinrent que les cadres
institutionnels et une échelle chronologique,
résultats aussi indispensables qu'insuffisants puisqu'ils en
négligeaient l'apport psychologique. Il est donc
indispensable de relire ces œuvres hagiographiques afin de ne
négliger aucun de leurs aspects.
Vécurent, à la fin du XIe et au
début du XIIe siècle en terre limousine,
quatre ermites dont la biographie de bon aloi fut écrite
à la génération qui suivit leur mort. Ces
documents permettent de connaître à la fois
l'originalité de chacun d'eux et de préciser les
traits communs de ce vaste mouvement.
Le premier arrivé fut Etienne de Muret dont les
idéaux érémitiques sont de toute
évidence à situer dans la mouvance de saint Nil de
Rossano dont il connut les disciples lors d'un séjour qu'il
fit en Calabre. C'est après une halte dans l'entourage de
Milon, archevêque de Bénévent, et un court
passage à la Curie romaine que ce fils du vicomte de Thiers
en Auvergne s'installa vers 1076-1078 à Muret où il
mourut en 1124. Il est le fondateur de l’Ordre de
Grandmont.
Un peu plus tard, le Normand Gaucher choisit la solitude des
environs d'Aureil près de Limoges. Il s’était
placé très tôt sous la houlette bienveillante
des chanoines de la cathédrale et fit par la suite une sorte
de stage dans la congrégation des chanoines de Saint-Ruf,
près d'Avignon. Il mourut en 1125.
Dans les mêmes années, un limousin "creusois"
nommé Geoffroy, après des études à
Tours, puis sans doute à Chartres, interrompit une
carrière enseignante à Limoges pour se fixer au
Chalard, sur les bords de l'Isle. Geoffroy mourut en 1140.
L'installation à Obazine du "corrézien" Etienne date
des environs de 1120. A la différence des trois premiers, il
n'avait pas reçu une instruction autre que celle
exigée alors pour un prêtre de paroisse qu'il fut en
ses débuts. Il fut ensuite apprenti-ermite, prit conseil de
l’évêque de Clermont, un ancien abbé de
La Chaise-Dieu et partit aussi consulter le prieur de La Chartreuse
qui lui suggéra de s'affilier à l'Ordre de
Cîteaux, ce qu'il fit en 1147. Il mourut en 1159.