Book Series Miroir de l'Orient Musulman, vol. 5

Les noblesses du nom

Essai d'anthroponymie ottomane

Olivier Bouquet

  • Pages: 399 p.
  • Size:156 x 234 mm
  • Illustrations:16 b/w
  • Language(s):French
  • Publication Year:2014

  • € 60,00 EXCL. VAT RETAIL PRICE
  • ISBN: 978-2-503-55027-5
  • Paperback
  • Available
  • € 60,00 EXCL. VAT RETAIL PRICE
  • ISBN: 978-2-503-55851-6
  • E-book
  • Available


Review(s)

"Modestement intitulée éléments bibliographiques, la bibliographie, qui ne couvre pas moins d'une soixantaine de pages, est d'une immense richesse. L'index et le glossaire rendront les plus grands services au lecteur. L'on ne peut que souhaiter à la collection Miroir de l'Orient musulman une continuation dans la digne foulée de cet ouvrage." (Jean Martin, dans: Mondes et Cultures, publié en ligne: http://www.academieoutremer.fr/images/files/Noblesses-du-nom-%2859_767%29.pdf )

"L’ouvrage qui fourmille d’informations, d’idées et de démonstrations peut ainsi être consulté régulièrement, tel une encyclopédie d’anthroponymie incontournable pour tous les ottomanistes. Mais au-delà de sa valeur pour les études ottomanes, c’est un livre riche qui peut offrir des perspectives de comparaison pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des formes de reconnaissance et de désignation, des pratiques d’appropriation, des procédures de nomination, d’identification ou de certification, des logiques de distinction et des modes d’évocation ou de mise en scène de soi." (Özgür Türesay, in: Revue d'histoire moderne & contemporaine, 61-4, 2014, p. 173-175)

« L’ouvrage constitue un premier état des lieux d’un chantier immense, que l’auteur poursuivra sans doute sous d’autres formes. Il ouvre des perspectives très riches en termes d’anthroponymie, mais aussi d’histoire de l’identification des personnes et de la subjectivation à l’ottomane – deux champs encore largement embryonnaires et très prometteurs. » (Elise Massicard, dans: Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 142, déc. 2017)

« Il y a peu d’ottomanistes capables d’engager des réflexions sur autant de niveaux. En cela, l’ouvrage publié la même année que le décès de son illustre maître, Gilles Veinstein, est bien le signe de la transmission accomplie d’un riche héritage et que Bouquet s’est fait un nom parmi les meilleurs historiens de la discipline. » (Sylvain Cornac, in Der Islam, 2018, p. 211)

BIO

Olivier Bouquet est rattaché à l'Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, UMR CESSMA

Summary

« Les Turcs ont coutume de donner aux gens un nom qui illustre un de leurs défauts ou de leurs vertus, car ils ne disposent que de quatre noms propres, réservés aux descendants de la famille ottomane ». Ainsi Don Quichotte condense-t-il en peu de mots un lieu commun répandu : celui d’un Orient sans noms, celui d’un Empire sans noblesse. Don Quichotte est fou, mais il y a toujours une part de vérité dans ce qu’il dit. Les Ottomans changeaient de nom comme de chemise. Les surnoms – souvent les plus disgracieux – étaient à la source de bien des désignations. On ne trouvait pas une rue sans un Mehmed, pas un café sans un Ahmed. Le titre plus que la désignation comptait dans les usages sociaux comme dans les bureaux de l’État. L’administration déformait sans vergogne les noms des juifs et des chrétiens. Le sultan écorchait les désignations de souverains qu’il tutoyait. L’onomastique n’obéissait à aucune règle stricte. Elle n’accordait presque aucune place au nom de famille. Les Ottomans ne portaient ni armes ni blasons. Ils ne reconnaissent aucune aristocratie hors de la lignée d’Osman. Autant de réalités admises par des voyageurs orientalistes, des idéologues kémalistes ou des historiens de l’Empire ottoman. En un mot : l’égalité des conditions l’emportait sur la reconnaissance de noblesses, et il était plus important de gagner un titre que de se faire un nom.
La lecture des sources révèle néanmoins un monde de noms plus riche et plus complexe. Don Quichotte est fou, mais s’il a beaucoup voyagé, il n’a jamais parcouru l’Empire. En réalité, les Ottomans se servaient de leurs noms de personne pour s’identifier et se distinguer, faire valoir leurs droits et transmettre leurs biens. À partir des nomenclatures turques, arabes et persanes, ils inventèrent leurs propres modes de désignation. Ils en nourrirent leurs lettres et leurs arts. Par les noms, ils dominèrent leurs sujets non musulmans, valorisèrent les héros et les saints, reconnurent des lignées pré-ottomanes et constituèrent de nouvelles noblesses. Le nom de famille tel que nous l’entendons était certes le grand absent de l’anthroponymie ottomane. Mais des noms de famille existaient, au-delà des seuls patronymes : noms d’ancêtres, de collatéraux et de femmes. Il est vrai, la Turquie kémaliste imposa une procédure radicalement nouvelle : tout citoyen devait porter un nom de famille. Mais ces noms, pour une partie d’entre eux, existaient déjà. Ils étaient inscrits dans les registres d’État. Ils figuraient dans les généalogies, sur les stèles funéraires. Au sein de franges sociales que le sultan ne reconnaissait toujours pas comme noblesses d’Empire, perçait l’imaginaire d’une noblesse des noms.