"Malgré la complexité de l'histoire du Proche-Orient, cet ouvrage réussit à offrir une excellente présentation de l'Église maronite, essentielle et claire, où l'on trouvera une mine de renseignements."
(D. Attinger, Proche-Orient Chrétien 60/1-2, 2010, p. 230)
Summary
C’est en 1919, année où le patriarche Elias
Hoayek a réclamé à la Conférence de la
Paix de Versailles la proclamation de l’État du Grand
Liban, que le destin des Maronites a pris une tournure
exceptionnelle. Pour la première fois depuis des
siècles, des Chrétiens d’Orient
accédaient au pouvoir à part égale avec les
Musulmans qui en avaient eu jusque-là
l’exclusivité, et de l’Iran à
l’Égypte, les regards se tournaient vers leur
pays, le Liban, symbole d’un Moyen-Orient pluri-religieux et
pluri-culturel. L’histoire des Maronites avait
commencé au 7e siècle en Syrie lorsque les
moines du monastère de Saint-Maron affirmèrent leur
singularité en élisant leur premier patriarche au
siège d’Antioche. Au 10e siècle, ils
adoptèrent définitivement les montagnes du Liban et
ses vallées pour y établir leur patriarcat et y vivre
pleinement leur identité et leur vocation monastique.
L’existence des Maronites fut désormais liée
aux développements historiques et économiques
qu’a traversés le Mont-Liban à
l’époque des Croisades, des Mamelouks et des Ottomans
jusqu’à la Première Guerre Mondiale. Au fil des
siècles, ils ont dû leur survie à plusieurs
facteurs, dont le plus spectaculaire est le maillage de leur
territoire de monastères et d’ermitages. De nos jours
encore, avec le clergé séculier, le moine et la
religieuse maronites encadrent solidement les fidèles au
Liban, en Orient et dans le monde. Parallèlement, la
communauté maronite a pu constituer une
société civile distincte de sa hiérarchie
religieuse, dans un Orient où souvent les deux se
confondent. Le patriarche y demeure cependant le véritable
pôle de la communauté. Comme chez ses voisins druzes,
cette autonomie précoce d’une société
civile a été l’un des facteurs
déterminants de la participation de la communauté
maronite à l’Histoire. S’impliquant toujours
dans l’événement, parfois au prix du martyre,
ses options fondamentales sont observées attentivement aussi
bien au Proche-Orient que sur le plan international.
L’Église Maronite a su également établir
des liens privilégiés avec l’Église
catholique romaine dès l’époque des croisades,
liens culturels qui ont mis deux mondes en contact à travers
elle, celui de l’Orient syriaque et arabe auquel elle
appartient et celui de l’Occident latin, plus tard
francophone, vers lequel elle s’est constamment
tournée. En témoignent les œuvres de ses
orientalistes publiées dès le 16e
siècle à Rome, et les nombreuses écoles et
universités maronites du Liban. De nos jours, nombre de
Maronites largement dispersés dans la diaspora vivent au
rythme d’autres cultures, que ce soit en
Amérique du Sud ou dans les pays anglo-saxons. Ils restent
néanmoins fidèles à leur langue liturgique des
premiers siècles, l’araméen syriaque, qui fut
la langue du Christ. Sur un autre plan, l’un des principaux
défis auxquels doit faire face la communauté est
l’émigration et la dispersion de ses fidèles,
ainsi que le relâchement de son rapport exclusif à la
terre du Liban.
Ray Jabre Mouawad est professeur à la Lebanese American
University de Beyrouth et chercheur au Centre
d’Études des Civilisations Antiques et
Médiévales, Louis Pouzet (Université
Saint-Joseph). Ses recherches sur la littérature syriaque et
arabe chrétienne et sa vie au Liban contribuent à
sa connaissance approfondie de la communauté
maronite.