De nombreux sinologues estiment que le sacré est
omniprésent dans la civilisation chinoise
multiséculaire. Des documents néolithiques attestent
la croyance en une vie après la mort: ustensiles et aliments
déposés dans les tombes, l'urne funéraire
considérée comme la maison du défunt, des
vases d'argile peints en rouge, la couleur de la vie et
décorés de motifs funéraires. Le culte des
ancêtres constitue une donnée permanente des diverses
dynasties. Au cours du millénaire antérieur à
notre ère, de nombreux mythes font connaître la
période ancienne au cours de laquelle les Chinois tournaient
leurs regards vers le ciel, spéculaient sur la nature du
cosmos et sur la place de l'homme, inventaient une symbolique et
des rites qui sous-tendaient le fonctionnement de la triade ciel,
terre, homme. Les deux pôles yin et yang
tissaient le devenir et représentaient la totalité de
l'ordre cosmique et de l'ordre humain; ils étaient les
modalités du Tao, un absolu mystérieux,
principe d'unité.
La Chine a connu trois grandes philosophies religieuses : le
taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme. Le taoïsme
est une voie dans laquelle s'entrecroisent philosophie,
éthique et religiosité. Au début de notre
ère apparaît une forme nouvelle, une religion
taoïste du salut se proposant de conduire ses fidèles
à l'immortalité. Confucius (551-479) va
présenter un modèle d'homme parfait avec un
idéal fondé sur la bienveillance et sur la correction
morale tandis que Mencius (370-290) développera une
éthique basée sur l'accord entre l' homme et le
cosmos. Au début de notre ère des bouddhistes
pénètrent en Chine et se mêlent à
l'enseignement des maîtres taoïstes. Sans tarder se
forge une notion du salut avec des bouddha et des paradis. Au
VIIe siècle le bouddhisme se scinde en deux
orientations : d'une part, le chan (zen) qui préconise la
méditation sur la vacuité et sur la nature du Bouddha
présent en chaque homme et d'autre part, l'amidisme, culte
du Bouddha Amitabha, une véritable religion avec ses rites
et ses paradis.
Rédigés par des sinologues des Instituts Ricci de
Paris et de Taipei et d'autres Instituts, les articles du
présent volume abordent plusieurs domaines : les espaces
sacrés, montagnes et temples; des rituels et des pratiques
taoïstes de Chine et de Taiwan; l'homme et la
société dans l'expérience confucéenne;
le bouddhisme chinois; le rapport au sacré des musulmans et
des chrétiens; les minorités en Chine et leurs
traditions religieuses. Au terme des recherches est posée la
question de l’avenir des courants religieux, des rites et des
pratiques. Un double constat se dégage. A Taiwan le
développement économique n'a apparemment en rien
affecté la vitalité de la religiosité
traditionnelle car on voit se multiplier des nouveaux temples. En
République populaire cinq religions sont reconnues :
taoïsme, bouddhisme, confucianisme, islam et christianisme.
Par ailleurs on constate un réveil religieux, une recherche
d'une civilisation spirituelle à partir des valeurs
disponibles et un retour visible du sacré dans les
villes.