Dans le cadre du royaume de
France, plus de soixante évêques ont été
victimes de violences entre la fin du Xe et le début du
XIIIe siècle. L'apparente diversité de leurs
situations, tout comme leur répartition relativement
homogène dans l'espace et dans le temps, peuvent faire
passer ces mauvais traitements pour de simples accidents.
L'étude approfondie de leurs dossiers tend, au contraire,
à prouver que les violences antiépiscopales
constituent un phénomène caractéristique du
Moyen Âge central. Une réflexion menée à
différentes échelles permet de montrer qu'il s'agit
d'une constante pour l'ensemble de l'Occident chrétien : il
est facile de trouver dans les royaumes limitrophes des
éléments de comparaison au travers de violences
parfois célèbres, à l'image du meurtre de
Thomas Becket. Le regroupement de ces violences en trois
catégories principales - assassinats, expulsions,
captivité - dans le cadre d'une typologie permet de leur
donner un sens et de faire apparaître des
éléments de cohérence. Les violences ne sont
pas distribuées au hasard, elles sont calculées,
mises en scène avec soin et s'inscrivent dans des
stratégies mûrement réfléchies. Leur
répartition chronologique n'est pas plus hasardeuse : chaque
manifestation hostile s'associe à un bouleversement de la
société, de l'équilibre entre les pouvoirs,
à une crise politique ou religieuse. L'étude des
agressions dirigées contre les évêques permet
donc de clarifier les rouages d'un phénomène complexe
: elle donne des clés de lecture supplémentaires pour
comprendre les mutations qui affectent la place de l'Eglise dans le
royaume de France et plus largement dans l'Occident
chrétien. Elle renouvelle enfin l'approche du regard
porté sur l'épiscopat au cœur du Moyen
Âge.