L’ouvrage consiste en la publication du mémoire
d’Habilitation à diriger des recherches,
présenté en décembre 2002 devant
l’université de Paris
I—Panthéon-Sorbonne. Il constitue une enquête
sur l’abbatiat d’une principauté territoriale
puissante, la Normandie, une région qui fut, de 1066
à 1204, englobée dans un ensemble territorial aux
mains des ducs de Normandie-rois d’Angleterre. Ce type de
recherche n’a jamais été entrepris, ni en
Normandie ni ailleurs. Seules quelques figures abbatiales
prestigieuses, Lanfranc de Caen, Anselme du Bec ou Jean de
Fécamp ont fait l’objet de monographies.
L’enquête repose sur une prosopographie,
c’est-à-dire un corpus de 327 notices biographiques
des abbés des trente-trois abbayes
bénédictines. Ces notices sont organisées en
cinq rubriques (datation et fin des abbatiats, origines familiales,
origines religieuses, conditions d’accès à
l’abbatiat et activité des abbés). Cette
prosopographie, placée en annexe, sera un instrument de
travail pour tous les chercheurs.
Entre les Xe-XIe et le
XIIe siècle, on observe un abaissement du
niveau social des abbés. Venus des familles de
l’entourage ducal, les abbés finissent par être
issus, pour la grande majorité, de la strate moyenne de
l’aristocratie normande, mais aussi de régions
extérieures à la Normandie (Italie, Allemagne,
Angleterre, Val de Loire). Ils forment une véritable
« méritocratie ». Leur formation au
sein des écoles monastiques fait d’eux des
réformateurs du monachisme normand, des théologiens
de renom, des spécialistes de la musique, de bons
connaisseurs du droit canon. Au XIIe siècle,
leur formation passe de plus en plus par une expérience
pratique acquise dans l’exercice d’un office claustral.
Leur accession à l’abbatiat les place au carrefour des
interventions, parfois conflictuelles, du pape, du prince, des
aristocraties bienfaitrices et de l’épiscopat. Les
ducs, de Guillaume le Conquérant à Jean sans Terre,
ont cherché à s’entourer des abbés, dont
ils reçurent des conseils en matière religieuse.
Mais, plus neuve est la mise en évidence de
l’influence tenue par les abbés ans le domaine
politique. Déjà à la fin du
XIe siècle, mais de plus en plus au
XIIe siècle, des abbés ont rempli des
missions de grande importance, dans les affaires
financières, fiscales, diplomatiques.
Cet ouvrage sera une contribution à l’histoire des
élites dans une principauté du Grand Ouest de
l’Europe médiévale, des élites
religieuses et intellectuelles dont l’implication dans
l’exercice du pouvoir demeure forte à une
époque qui voit le début de la sécularisation
des entourages princiers.