Depuis plusieurs décennies, la genèse du
château médiéval fait l’objet de
débats entre historiens, historiens de l’art et
archéologues. Si la question est si délicate,
c’est en partie parce que la majorité des forteresses
médiévales que nous connaissons aujourd’hui ont
connu de très longues périodes d’occupation et
des transformations permanentes occultant leurs états les
plus anciens.
La résidence fortifiée d’Andone
présente l’avantage pour le chercheur d’avoir
été désertée dans les années
1020, après moins d’un siècle
d’occupation, ce qui amena André Debord à se
consacrer pendant 25 années à la fouille
archéologique du site et à l’examen des
nombreux textes régionaux contemporains. Luc Bourgeois et
son équipe ont poursuivi ce travail, mettant à profit
les progrès de l’archéologie pour achever
l’analyse de la masse considérable des
découvertes (116 000 pièces de mobilier) et
comprendre l’organisation du bâti. Seule demeure
princière de cette époque exhaustivement
fouillée en France, le castrum d’Andone est ainsi
devenu un site emblématique, remarquable illustration du
passage des résidences de l’élite carolingienne
au château féodal.
La butte naturelle d’Andone est fortement
transformée par la mise en place du castrum dans la seconde
moitié du xe siècle. À
l’intérieur d’une enceinte
maçonnée ovale couronnée par un chemin de
ronde, des bâtiments en pierre s’adossent au mur de
courtine. À l’étage de l’un d’eux
se trouve une vaste aula, emblématique de l’habitat
des grands de cette époque. Si l’étude des
textes permet d’en savoir plus sur les stratégies
politiques qui ont prévalu à l’installation de
la dynastie des Taillefer, comtes d’Angoulême, et
à leur abandon du site, le mobilier découvert
lève le voile sur les activités qui s’y
déroulent et le rapport de cette résidence avec
l’environnement naturel. Les objets utilisés et
rejetés dans l’enceinte témoignent d’un
large éventail d’activités, du jeu à la
guerre, des tables de fête à l’exploitation du
domaine, de la métallurgie locale au commerce à
longue distance. Ils se prêtent dans cette monographie
à la constitution d’une véritable collection de
référence, richement illustrée,
replacée dans le cadre de l’Europe occidentale, et
autorisent une meilleure compréhension de la vie quotidienne
des puissants du xe siècle.
Luc Bourgeois est maître de conférences
d’archéologie médiévale à
l’université de Poitiers (Centre d’études
supérieures de civilisation médiévale). Ancien
élève de l’Institut National du Patrimoine, il
est titulaire d’un doctorat en archéologie
(Université Paris I-Panthéon Sorbonne) et d’une
habilitation à diriger des recherches (Université de
Poitiers). Ses travaux portent principalement sur les
agglomérations et les pôles du pouvoir du haut Moyen
Âge.
André Debord (1926-1996), titulaire d’une
thèse d’État sur « la
société laïque dans les pays de la Charente,
xie-xiie siècles », poursuivit ses recherches, portant
sur l’occupation du sol, le peuplement et les châteaux,
à l’université de Caen où il devint
professeur en 1978. Conscient du potentiel de
l’archéologie concernant ces questions, il
décida d’ouvrir à Andone un chantier de
fouille, qu’il dirigea de 1971 jusqu’à ses
dernières années.