Au coeur de la grande plaine indienne, entre Gange au sud et
Brahmapoutre à l'est, le site de Mahasthan fut occupé
dès les derniers siècles du Ier millénaire av.
J.-C., sans doute fondé au IVe s. Dans un environnement
agricole riche, la cité connue sous le nom de Pundranagara -
la ville de la tribu des Pundra - s'est développée
comme un poste avancé de l'empire Maurya (fin IVe-IIe s. av.
J.-C.) sur sa frontière orientale : derrière ses
hauts remparts, en bordure d'une puissante rivière
sacrée, la Karatoya, cette capitale régionale
était un passage de première importance dans les
courants commerciaux, religieux et culurels entre la plaine
gangétique, la baie du Bengale au sud, et les pays
sub-himalayens au nord et à l'est (Népal, Assam,
Birmanie). Cette fonction prospère, qui culmine au tournant
de l'ère comme le révèle l'archéologie,
se poursuit sur un rythme inégal jusqu'au XIIIe
siècle, lorsque cette province orientale de l'Inde passe
sous le contrôle des musulmans du Sultanat de Delhi. D'autres
capitales sont alors établies, les circuits
d'échanges sont modifiés, et le site n'est plus
occupé que par épisodes.
Re-découverte au XIXe s., la ville de Mahasthan a fait
l'objet de nombreuses recherches archéologiques, en
particulier dans les années 1930 par l'Archaeological Survey
of India, et dans les années 1960, par le Département
d'Archéologie du Pakistan oriental. Depuis 1993, une
équipe franco-bangladaise a entrepris une exploration plus
systématique du site, dans le cadre d'un accord
gouvernemental de coopération franco-bangladaise. Ce sont
les premiers résultats de cet ambitieux projet de recherche
qui sont présentés ici, premier volume d'une
série appelée à se poursuivre.
Une introduction historique éclairera un lecteur peu
familier sur les grandes étapes du développement de
la région et sur ses relations avec les pays avoisinants ;
une étude préliminaire sur l'environnement
démontrera les riches potentialités agricoles d'un
territoire bien arrosé, aux terres fertiles. On rappellera
aussi que Mahasthan n'est pas seulement une cité
fortifiée, mais un ensemble d'établissements
dispersés sur une vaste étendue, les relations entre
le coeur du territoire et sa périphérie ayant
varié au cours des siècles. Puis viendront les
études plus proprement techniques : établissement de
la stratigraphie du site, élaboration d'une grille
chronologique appuyée sur des analyses au radiocarbone,
études sur la céramique, les monnaies, les perles,
etc. Chacune de ses analyses apporte une lumière nouvelle
sur l'histoire de cette ville oubliée, et la poursuite des
recherches permettra, bientôt, d'offrir une synthèse
renouvelée sur l'antiquité et le passé
récent du Nord-Bengale, et du Bangladesh plus
généralement.
Historien de formation, J.-F. Salles a dirigé des
recherches archéologiques dans la péninsule arabique
pendant près de 20 ans (1977-1996) : Émirats
Arabes Unis, Bahrain et Koweit. Plusieurs colloques ou rencontres
internationales l’ont mis très tôt en relation
avec Aleksander V. Sedov, avec qui une étroite collaboration
s’est établie. La bibliographie de J.-F. Salles compte
plusieurs dizaines d’articles spécialisés,
ainsi qu’un grand nombre de volumes publiés, y compris
sur l’archéologie du monde indien, l’auteur
ayant dirigé pendant dix ans une mission au Bangladesh.
J.-F. Salles est actuellement directeur de l’antenne
d’Amman de l’Institut Français du
Proche-Orient.