Une pensée politique en action: les villes d’Empire à la fin du Moyen Âge et la représentation populaire
Les sociétés des villes d’Allemagne du Sud n’ont pas peur de l’innovation à la fin du Moyen Âge : sur un siècle (fin xiiie-fin xive siècle), beaucoup d’entre elles créent des régimes politiques intégrant des groupes sociaux jusqu’alors exclus de toute participation, sur un principe commun décliné en fonction des situations locales : le conseil urbain est désormais constitué presque partout de délégations de corps de métier (Zünfte).
Les citadins ne se contentent pas de cette première innovation. Dans beaucoup de cas, ils procèdent avec grand soin à la mise par écrit de ces dispositions : ce sont ces chartes constitutionnelles qui sont au centre de ce livre. Le passage à l’écrit n’est jamais une évidence ; les difficultés rencontrées par leurs auteurs témoignent de l’importance de cette mise par écrit pour les sociétés qui l’ont produite. Qui sont leurs auteurs, comment ont-ils travaillé ? Eux qui n’étaient sans doute pas en contact avec la théorie savante de leur temps n’ont pas laissé de texte théorique pour éclairer leur démarche, mais ces chartes permettent de dégager les grandes lignes de leur pensée politique.
Le soin pris à décrire le nouveau dispositif institutionnel le montre : il ne s’agit pas seulement d’un acte administratif, mais d’un véritable programme politique et social. Ces chartes sont le produit de périodes de troubles, avec ou plus souvent sans violence, pour mettre fin à l’exclusivité politique des élites traditionnelles, en assurant un équilibre politique de long terme. Pour éviter à la fois le retour à un pouvoir oligarchique et la déstabilisation par les masses populaires, leurs concepteurs ont une série de choix à effectuer. Qui désigne les représentants des métiers ? Quel poids ont les différents métiers ? Quel poids politique les élites traditionnelles conservent-elles ?
Les promesses démocratiques annoncées ont-elles été tenues ? Il y a bien des manières pour les élites de contourner les garanties d’ouverture offertes par les chartes, mais les métiers, fortunés ou non, se montrent attachés au système et au texte des chartes qui leur donnaient une dignité nouvelle. Cet apprentissage de la démocratie, pour imparfait qu’il soit, témoigne de la créativité intellectuelle des bourgeois de ces villes.
Dominique Adrian, ancient élève de l’École normale supérieure, est docteur en histoire et chercheur associé au CRULH/Université de Lorraine. Ses recherches portent sur la vie politique des villes d’Allemagne du Sud, dans une perspective à la fois culturelle et institutionnelle. Il s’intéresse en particulier à la reception des phénomènes politiques par les sociétés urbaines, au-delà des élites.
Préface
Introduction
I. Des textes
Une charte ?
Le seuil de l’écrit
Plusieurs chartes
Chartes, codes, coutume
Désignations
Bourgeois, Souverains, arbitres
Nature juridique de ces chartes
II. Circonstances
Le moment
Procédures et influences
Écrire les institutions municipales
Expédition, promulgation, serments
III. Des systèmes
Principes constitutionnels
Esquisse de vocabulaire du politique
Les métiers au pouvoir
Les groupes sociaux à l’œuvre
Les Zünfte
Les patriciens
Le système des Conseils
Le Petit conseil
Le Grand conseil
La commune
Les élections
Les magistratures
Les représentants seigneuriaux
Les maires
Autres dispositions
Contrôles et contre-pouvoirs
La politique et au-delà
Conclusion : circulations interurbaines
Annexes
Les chartes constitutionnelles et leurs éditions
Charte de Wangen, 11 novembre 1381
Bibliographie
Abréviations
Sources manuscrites
Sources imprimées
Études
Index géographique