Le colloque organisé à Lille et Amiens en 2006,
à l’occasion du 1150e anniversaire de la
mort de Raban Maur, complète une série de
manifestations consacrées à trois
personnalités majeures du haut Moyen Âge : de
Bède le Vénérable (colloque de Lille et
Amiens, 2002) à Alcuin (colloque de Tours, 2004) et à
Raban qui devait à ce dernier son surnom de Maur, la
filiation intellectuelle est manifeste. Celui que, depuis les temps
modernes, on orne du titre de praeceptor Germaniae fut
l’un des plus éminents personnages de la
société carolingienne, par sa culture et par son
rang : ce membre de l’aristocratie de la vallée
du Main et du Rhin moyen enseigna à l’abbaye de Fulda,
l’un des principaux foyers d’étude et des plus
importants établissements monastiques du monde franc, dont
il fut ensuite l’abbé (822-842) avant
d’être promu archevêque de Mayence (847-856) et,
par conséquent, premier prélat du royaume de Louis le
Germanique. C’est à la diversité des
compétences de Raban, à la fois pasteur, gestionnaire
et fin lettré, que sont consacrés les actes de ce
colloque interdisciplinaire.
L’analyse des relations entre Raban et les
évêques de son temps montre combien ce tenant du parti
impérial était attaché à
l’héritage de Charlemagne, bien que son horizon
s’avère moins large que ne le suggère son
appartenance à l’élite
« d’Empire ». Par ses œuvres,
Raban s’imposa comme un poète et un maître. Son
intérêt ne se portait pas seulement vers la culture
latine, mais aussi vers la culture et la langue
vernaculaires ; de même, il avait des connaissances en
médecine. Plusieurs contributions sont consacrées
à son œuvre exégétique, à sa
diffusion manuscrite et à la teneur de ses commentaires
(certains sont intemporels, d’autres s’avèrent
en prise directe avec la vie politique). Les analyses,
menées par des historiens et des philologues, illustrent la
diversité des approches possibles, complétées
par une étude du Psautier glosé de Fulda. La vie de
Raban était rythmée par la liturgie, dans une
église à l’image du Temple de Salomon, devant
servir à l’édification du temple
intérieur – ce à quoi contribuait la
présence de reliques. L’étude de la
consécration des autels et des tituli
composés à cet effet montre que Raban avait une
conception très protocolaire de la répartition des
apôtres, martyrs et bienheureux, qui traduit sa conscience
aiguë de la communion des saints. L’abbé de Fulda
fut un théoricien de la société carolingienne,
comme le prouve l’analyse de son idéologie du don. Il
était sensible aux aspects tout pragmatiques de la vie
sociale et l’on peut déceler chez lui une
humanité dont témoignent ses prises de position en
matière de droit.
"La publication des actes du colloque (...) offre aux lecteurs francophones (même s’il y a naturellement aussi dans cet ouvrage quelques articles en anglais, en allemand ou en italien) une somme parfaitement à jour d’un point de vue historiographique (...) (Emmanuel Bain, dans: La Cliothèque, avril 2011)