Très tôt les Eglises chrétiennes ont
pensé et écrit leur histoire, une histoire
organisée autour de la succession des évêques,
depuis les apôtres. Les catalogues antiques
d’évêques de Rome ont permis
d’établir au VIe siècle le premier
Liber pontificalis, Livre des papes, continué
jusqu’au IXe, puis au XIVe
siècle, relayé ensuite par une histoire humaniste des
pontifes, puis une histoire critique, universitaire et enfin
médiatique en notre début de XXIe
siècle. C’est à une reprise des travaux sur le
Liber pontificalis et à une réflexion sur
les histoires pontificales plus récentes qu’est
consacrée la première partie de cet ouvrage.
Le même souci de la liste ininterrompue des
évêques depuis les apôtres
« jusqu’à nos jours »,
d’une histoire qui se construit autour de la liste
épiscopale, s’est exprimé dans les gesta
episcoporum. Ces Gestes d’évêques
rédigés dans de nombreuses cités
épiscopales démontrent comment la lignée des
évêques a progressivement mis en place les droits de
l’Eglise de la cité, ses biens, ses monuments, sa
liturgie, tout ce qui constitue l’Eglise au moment de
l’écriture de l’histoire. Ces gestes
d’évêques, dont les prototypes sont
carolingiens, ont été eux aussi continués.
Leur fonction a évolué, mais la conception de
l’histoire reste la même : la continuité et
la sainteté globale de la liste des pontifes est garante de
la légitimité et de l’orthodoxie de
l’Eglise du temps présent. La seconde partie du livre
nous entraîne de Dalmatie, d’Italie et d’Espagne,
en Bavière, en Rhénanie et en France pour voir
comment et pourquoi on a écrit l’histoire des
évêques au Moyen Age, puis comment et pourquoi, aux
époques moderne et contemporaine l’histoire
érudite et critique a repris les écrits de ce type et
les informations qu’ils portaient.
M. Sot, Introduction. Auxerre et Rome : Gesta
pontificum et Liber pontificalis.
Première partie : livre et histoire des
papes. – R. McKitterick, Le Liber pontificalis
dans les genres historiographiques du haut Moyen Âge.
– H. Geertman, La genesi del Liber pontificalis
romano. – K. Herbers, Agir et
écrire : les actes des papes du
IXe siècle. – F. Bougard,
Composition, diffusion et réception des parties tardives
du Liber pontificalis
(VIIIe-IXe siècles). –
L.-M. Gantier, L’abrégé comme mode de
transmission du Liber pontificalis :
l’Excerptum de gestis romanorum pontificum
d’Abbon de Fleury (vers 996). – G.
Lobrichon et P. Payan, Quelle écriture de
l’histoire des papes d’Avignon ? – A.
Tallon, L’histoire « officielle »
de la papauté du XVe au
XVIIe siècle, les Vitae pontificum
romanorum de Platina, Panvinio, Ciaconius.
– Ph. Levillain, Pourquoi fallait-il encore un
Dictionnaire de la papauté à la fin du
XXe siècle ? – H.
Yannou, Médias et historiographie officielle des papes
au début du XXIe siècle.
Deuxième partie : gestes et histoires des
évêques. – S. Gioanni, Les
évêques de Salone d’après
l’Historia Salonitana de Thomas
l’Archidiacre. –Th. Granier, Genèse et
réception de l’Histoire des
évêques de Naples (milieu du
IXe-début du
Xe siècle). – D.
M. Deliyannis, About the Liber pontificalis of
the Church of Ravenna. – K. Krönert, Construire
l’histoire d’une ville épiscopale :
les Gesta Trevirorum
(XIIe siècle). – G.
Bührer-Thierry, Défense et illustration de
l’Église d’Eichstätt. – P.
Henriet, Écrire l’histoire des
évêques en péninsule Ibérique
(VIIe-XIIe siècle). –
A. Hari, Reprise et continuations modernes des gesta
episcoporum à Metz. J.-M. Le Gall, Catalogues
et séries de vies d’évêque dans la France
moderne. Lutte contre l’hérésie ou illustration
de la patrie ? – O. Poncet,
L’histoire des évêques saisie par
l’érudition
(XVIIe-XVIIIe siècles).
– A. Rauwel, Clergé savant et mémoire
épiscopale : le diocèse de Langres du
XVIIe au XXe siècle. –
J.- O. Boudon, Histoire des évêques et
tradition épiscopale au
XIXe siècle.
A. Vauchez, Conclusions.
"Ce rapide compte rendu n'épuise pas - loin s'en faut - la richesse de ce beau volume dont l'index des noms de personnes permettra au lecteur pressé de repérer ce qu'il cherche. Mais une lecture exhaustive de ce livre permet de suivre sur la longue durée la manière dont le souvenir des évêques a reposé sur une mémoire textuelle originale." (Jean-Michel Matz, dans: Revue d'Histoire de l'Église de France, tome 97, 2011, p. 136-137)
"On dispose donc maintenant d'un excellent et très riche volume sur le sujet, d'autant plus précieux que les É. ont pris soin d'y ajouter un index des noms de personnes et un index des mss cités." (Benoït-Michel Tock, in: Le Moyen Âge, 120, 3-4, 2014, p. 781-782)