Book Series Latinitates, vol. 5

La silve

Histoire d'une écriture libérée en Europe, de l'Antiquité au XVIIIe siècle

Perrine Galand, Sylvie Laigneau (eds)

  • Pages: 731 p.
  • Size:160 x 240 mm
  • Illustrations:2 b/w, 5 col.
  • Language(s):French, English, Italian
  • Publication Year:2013

  • € 150,00 EXCL. VAT RETAIL PRICE
  • ISBN: 978-2-503-52992-9
  • Paperback
  • Available
  • € 150,00 EXCL. VAT RETAIL PRICE
  • ISBN: 978-2-503-56261-2
  • E-book
  • Available


Review(s)

"Par la richesse stimulante et la diversité des approches qu'il propose, par l'ampleur chronologique et géographique qui est la sienne, ce volume est appelé à être un ouvrage de référence sur la protéiforme silve." (Bulletin de la Société Française d'Étude du Seizième Siècle, décembre 2013, n° 78, p. 47)

Summary

Stace (c. 40-96) a conçu avec ses Silvae (« poèmes-forêts ») un genre d’écriture nouveau, qui doit beaucoup à Horace. Mais la perspective n’est pas celle du moraliste et  Stace y déploie une inspiration du cœur, calor subitus, liée à une virtuosité improvisatrice. Dégagées de la fureur platonicienne, soumises à une inspiration humorale et mystérieuse, étayées par une culture profonde et multiple devenue seconde nature, les Silves, après les œuvres ovidiennes, se jouent des tabous génériques, tâchent d’embrasser la variété du monde humain, au risque de se perdre dans les détails. L’écriture désormais ne connaît plus d’autre convenance que celle qu’imposent les mille facettes de la vie et de l’humeur de l’écrivain. L’exemple de Stace influencera profondément la latinité tardive, dont maints auteurs comme Ausone, Ambroise, Prudence, Claudien ou Sidoine Apollinaire reproduisent cet engouement pour une écriture « biographique », éthiquement et scientifiquement cautionnée par sa spontanéité, liée à la varietas. Le Moyen Âge n’a pas ou guère connu les Silves de Stace, mais il a connu ses imitateurs, notamment Sidoine Apollinaire. L’appellation « dit », d’abord appliquée à des descriptions-digressions à la manière sidonienne, finit par désigner en particulier un type d’œuvres poétiques très souple, un « mode de dire » caractérisé à la fois par la diffusion d’un certain savoir et/ou d’une morale de vie et la prise en charge explicite de ce savoir ou de cette morale par le « je » qui écrit. Cette nouvelle écriture s’épanouit au XIIIe siècle, grande époque de l’avènement de la subjectivité littéraire. Comme la silve, le dit, héritier indirect de la silva, représente donc au Moyen Âge une forme d’écriture libérée. À la Renaissance, bien après la redécouverte des Silves par Poggio Bracciolini en 1417, l’humaniste florentin Ange Politien (1454-1494), relance la mode de l’écriture « silvaine ». Après lui, l’Italie puis l’Europe entière vont produire en abondance des œuvres variées sous le titre de silves, ou sous d’autres titres connotant une écriture de la variété mêlée, de l’apparente spontanéité fondée sur une singulière érudition.  Ces œuvres, la plupart du temps inclassables dans les genres canoniques, touchent à tous les domaines intellectuels : poésie lyrique de circonstance, poésie épico-héroïque, poésie didactique, miscellanées encyclopédiques, traités philosophiques et scientifiques, arts plastiques, musique. L’écriture de la silve dépasse la chronologie traditionnellement attribuée à la Renaissance pour fleurir aux XVIIe et au XVIIIe siècles. Les auteurs de silves tendent généralement à souligner le caractère hors-norme, voire anti-normatif, de leur écriture, sa profonde individualité – une manière d’essai –, son plaisir spécifique : un rapport particulier au matériau traité, une dégustation vertigineuse du détail savant ou esthétique, que souligne d’ordinaire un style souvent paratactique simulant une certaine oralité. Le présent volume essaie de rendre compte, dans la diachronie, de ce phénomène protéiforme, commun à toute l’Europe du début des temps modernes.