Le récit apocryphe connu sous le nom d'Actes de
Pilate ou d'Évangile de Nicodème a une
tradition textuelle particulièrement complexe.
Composé en grec dans les trois premiers quarts du
IVe siècle, il a été traduit dans
la quasi-totalité des langues méditerranéennes
et a fait l'objet de multiples réélaborations dans
les langues vernaculaires du Moyen Age. Le présent volume
est consacré à la recension grecque byzantine, connue
depuis l'édition de C. von Tischendorf sous l'appellation
« grecque B ».
Cette recension, peu étudiée, est un témoin
important de la piété mariale byzantine. Les trois
formes principales conservées sont éditées
sous forme synoptique, sur la base d’une trentaine de
manuscrits, ce qui permet de rendre manifeste
l’évolution du récit, dont le centre de
gravité n'a cessé de se déplacer des minutes
du procès de Jésus vers le récit de sa mort et
de son ensevelissement, dans lequel Marie joue un rôle
croissant.
L’introduction analyse chacune de ces recensions. La plus
ancienne, qui remonte vraisemblablement au
IXe-Xe siècle, est une traduction de
la recension latine A, retravaillée pour être conforme
à la piété byzantine. La deuxième
forme, mal conservée, date probablement des
XIIe-XIIIe siècle et se
caractérise par de nombreux ajouts. La troisième
recension, dont l’autographe est préservé, est
une version expurgée de la deuxième forme
textuelle ; remontant au XIVe-XVe
siècle, elle est l’œuvre d'un auteur que la
moindre ambiguïté inquiétait, aussi bien sur le
plan narratif que théologique.
A chaque étape, des rédacteurs sont intervenus sur
la forme et le contenu du récit, n’hésitant pas
à y intégrer des idiomèles, des canons de
Nicolas de Constantinople ou des extraits d’une
homélie de Grégoire d’Antioche. De
nombreux points de contact avec des traditions occidentales sont
relevés dans l’introduction.
Probablement issue de communautés italo-grecques, la
recension grecque byzantine de l'Évangile de
Nicodème a joui d’une estime certaine au Mont
Athos au XIXe siècle La profonde
réécriture du récit apocryphe attestée
par un manuscrit athonite a été publié
à Athènes dans une série de brochures pieuses
entre la fin du XIXe siècle et la première
guerre mondiale. Ces publications, qui constituent la page la plus
récente de l'histoire de la réception de
l'Évangile de Nicodème, sont
présentées et analysées dans
l’introduction.
En fournissant aux byzantinistes et aux iconologues des
matériaux datés, cette étude devrait les aider
à reconstituer l'évolution de la piété
et de la liturgie byzantines, entre le IXe siècle
et le XVe siècle.