En juillet 1665 paraît, en Hollande, le premier
traité de l’Éthique d’Arnold
Geulincx. Le texte complet n’en paraîtra en 1675,
quelques années après la mort de son auteur. Qui
aujourd’hui le sait ? De ces lieux, de ces temps,
est-ce cette Éthique-là qui a fait
date ? Certainement non ! Et c’est sans doute
justice que nombre d’études consacrées
à cet auteur, - Geulincx – prennent pour interrogation
principale la question de son rapport à Spinoza dont
l’Éthique, pense-t-on, dut commencer à
être rédigée vers 1665 et achevée vers
l675. Geulincx néanmoins connut des tribulations,
géographiques et intellectuelles, qui
l’amenèrent à formuler, de manière
unique et singulière ses vues sur ce que la philosophie de
l’époque pouvait affirmer en matière
d’éthique. Question peu simple à cette
croisée des perspectives, où l’on ne savait
trop selon quelles modalités l’homme devait être
mis au centre du discours philosophique – centre vide,
« égout » pour reprendre une
terminologie baroque assumée par Geulincx, ou
épicentre d’une raison ou d’une
vertu capable de sauver, dans le cadre de religions peu
amènes pour les capacités propres de l’homme,
la possibilité d’une liberté pensée
comme soumission à la Raison.
Le présent travail entend avant tout donner à
entendre à la voix d’un homme dont il est
aujourd’hui attesté qu’elle fut entendue de son
temps et contribua de manière significative, ne serait-ce
que par les impasses dont elle a pu témoigner, à
l’évolution de la pensée de
l’époque. Aussi, dans cette perspective,
laisserons-nous de côté la question aussi
récurrente qu’implicite, en histoire des idées
et de la philosophie, sur les grands et les petits. Inventeur ou
créateur, continuateur ou précurseur, Geulincx
présente l’intérêt d’une figure
originale dans l’histoire des idées, et son
Éthique condense des questions qui trouveront dans
l’avenir les réponses diversement
appréciées, diversement cohérentes :
Spinoza, Malebranche, voire Leibniz puis Kant.
Est-il si primordial, d’emblée, de le
caractériser – ce qui du reste est peu contestable
– comme occasionnaliste ? Cette étiquette ne
risque-t-elle pas d’épuiser à tort les
potentialités d’une pensée qui trouvera bien
d’autres développements ? Avant
d’enrôler ce « mineur » dans les
grands courants de l’histoire de la philosophie, ce travail
de traduction voudrait lui donner la chance d’être lu
dans des directions peut-être, sait-on jamais,
insoupçonnées.