Alors que les diocèses français multiplient les
réformes de leurs livres liturgiques depuis la fin du
XVIIe siècle, l’archevêque Charles de
Vintimille entérine une nouvelle recomposition du
bréviaire de la capitale du royaume en 1736. À
compter de cette date, la liturgie parisienne apparaît comme
profondément bouleversée par d’éminents
liturgistes (le père Vigier pour le calendrier et les
textes, l’abbé Lebeuf pour le plain-chant) ayant
travaillé au service d’un renouveau identitaire, mais
également en tenant compte d’orientations
ecclésiologiques et pastorales contemporaines. En cela, les
livres liturgiques parisiens sont le produit d’une
véritable fabrique de la Tradition dont cet ouvrage
étudie dans un premier temps les projets et
réalisations.
Mais ce qui n’aurait dû être qu’une
contribution de plus aux liturgies néogallicanes
témoigna aussitôt d’une nouvelle phase de
l’histoire religieuse de l’ensemble du royaume. Projets
d’adoption des livres parisiens par d’autres
diocèses avant même la fin de leur impression,
dynamisme commercial des libraires en charge de leur diffusion,
embrasement des milieux ecclésiastiques à leur
sujet : la vocation diocésaine de cette réforme
liturgique dépasse aussitôt ses limites officielles.
Le seconde partie de l’ouvrage est ainsi consacrée au
devenir des textes et du chant de la liturgie parisienne,
bientôt appelés à fournir le quotidien
liturgique d’une large partie des paroisses et des
cathédrales du royaume. Néanmoins, bien loin
d’un simple tropisme favorable aux productions émanant
de la capitale, cet engouement pour la liturgie parisienne
participe d’un effort mené à large
échelle pour préparer l’église gallicane
à un temps qu’elle s’efforce de comprendre pour
mieux le maîtriser. Les perspectives offertes par une
liturgie unifiée autour du modèle parisien sont en
effet multiples, depuis la construction d’une image
homogénéisée jusqu’à la
renégociation du rapport aux communautés de
laïcs, en passant également par l’encadrement du
clergé et la pacification des querelles
ecclésiastiques. Repris durant la Révolution,
réactivés après le Concordat de 1802, ces
objectifs s’articulent immanquablement avec le recours
à la liturgie parisienne, liturgie dont cet ouvrage souligne
finalement le rôle primordial dans le projet rassemblant les
forces antagonistes de l’église gallicane du
XVIIIe siècle, celui de l’émergence
d’une Nation de fidèles.