Réputation
« Ce qui peut vous tromper, c'est que de nouveau tout
est beau, mais n'est pas pour cela meilleur. […] La
nouveauté est le guide des curieux qui leur fait mespriser
leur propre Ciel et terre […]. De quoy est venu ce Proverbe:
De trois Phisiciens un Atheiste, et de cinq Musiciens quatre fous,
pour rechercher de nouvelles inventions et des mouvements à
la mode au lieu de nous tenir dans les bons et proffonds preceptes
de nos Anciens, comme Du Caurroy, Intermet et Claudin, et parmy
ceux de nostre tems, Fremat, Hauxcousteaux et Cosset.
»
Annibal Gantez, L'entretien des musiciens (Auxerre,
Jacques Bouquet, 1643), lettre XXIX
A. Gantez (c. 1600-1668) n’est pas le seul à voir
en Du Caurroy l’un des chefs de file des compositeurs
académiques, apôtres (au moins en partie) d’un
contrepoint savant. Dans son traité publié en 1639,
Antoine Parran (1587-1650) ayant, d’après sa propre
expérience, classé la musique en quatre
catégories, ne décrit-il pas « la quatriesme
sorte […] une Musique grandement observée, toute
pleine d’industrie et de doctrine […] comme pourroit
estre celle de Claudin, du Caurroy, et plusieurs autres Maistres de
ce temps comme l’on peut voir au Puy de Saincte Cecile.
» ? Occupés à servir les chapelles
privées ou les institutions ecclésiastiques, ces
compositeurs, parfois récompensés lors de joutes
musicales, ne pratiquent guère l’air de cour, genre en
plein épanouissement qui ravit les salons de Louis XIII
comme les demeures plus modestes, pour le plus grand
bénéfice de l'imprimeur parisien Pierre Ballard
– celui-là même qui imprime l’essentiel de
la musique que nous connaissons de Du Caurroy. Ces musiciens
– au nombre desquels figurent Nicolas Formé
(1567-1638), qui succède à Du Caurroy comme
responsable de la musique de la chapelle royale, Jean de
Bournonville (c. 1585-1632), Artus Aux-Cousteaux (c. 1590- c.1656)
pratiquent une musique dont le style s’apparente à
celui que Du Caurroy a indirectement hérité de
Josquin des Prez (c. 1450-1521) et d’Adrian Willaert (c.
1490-1562), entre autres ; cette manière, apparue comme
désuète dès le dernier quart du 16e
siècle, s’accorde difficilement avec la
simplicité de l’air de cour (simplicité
exprimée tant dans le sujet et la forme littéraires,
que dans le profil mélodique, les procédés de
composition et la forme strophique). Ainsi, en marge de certains
écrits de théoriciens contemporains - par Salomon de
Caus (c.1576-1626), Antoine Du Cousu (c.1600-1658), Marin Mersenne
(1588-1648), Antoine Parran (1587-1650) - qui louent en Du Caurroy
l’héritier français de Gioseffo Zarlino, les
adeptes du stile antico pratiqué en France durant
la première moitié du 17e siècle
rendent à leur manière hommage au compositeur.